Mon travail est un regard abstrait sur les restes des empilements architecturaux des différentes civilisations qui se succèdent, sur un même lieu. Il est question de renouveau en détruisant, en recouvrant, en occultant pour enfin reconstruire sur les traces passées. « L’ultime » strate fait office de « conquistador », porteuse de pouvoir et détentrice de pensées dominantes. Cette dernière recouvre les précédentes. Mais les couches antérieures ne se sont-elles pas comportées comme celle qui les dissimule maintenant ? Il est question de renouveau, sur les bases qui, elles-mêmes, se voulaient être la renaissance des assises passées. Les couleurs sont des peuples ! Des peuples passés, des peuples disparus, des peuples amalgamés au dernier, celui qui domine. On rebâtit là où les autres ont bâti, on sacralise sur les lieux, autrefois destinés au sacré.

J’ai du rouge sur les mains,
du sang dans mes murs.
Comment l’expliquer ?
Comment expliquer simplement que je suis ici…
et là.
Ici et là…
encore.

VC. – octobre 2012

P•nurie de b•ton {Pénurie de Béton}

J’ai du rouge sur les mains,
du sang dans mes murs.
Comment l’expliquer ?
Comment expliquer simplement que je suis ici…
et là.
Ici et là…
encore.
VC. –  octobre 2012

P•nurie de B•ton (Pénurie de Béton) est le projet d’un ouvrage qui n’est qu’une attente d’édition.
Texte Introductif Pénurie de ciment c’était le titre d’un article d’un journal marocain que je découvrais à l’occasion d’une escale à Casablanca pour Dakar. Un hasard ou plutôt une coïncidence me ramenant à l’espace construit, l’espace en devenir. Deux ans plus tôt Marrakech, vue d’avion à l’atterrissage semblait cernée par de vastes ensembles en construction. Une frustration de ne pouvoir m’y rendre, voir de plus près ces nouveaux quartiers marquant un réel changement de la région. Des années plus tard, dans le « Maroc algérien », Berkane. Descendants des montagnes dans un pick-up, à l’entrée de la ville les faubourgs semblaient sans limite. Les vastes étendues plates entourant la cité, se paraient de briques rouges encastrées pour un réseau droit et rigoureux de piliers et poutres de béton. Inachevé, la vie déjà. Plus loin, Saïdia, une belle plage face à la Méditerranée, dans le dos une nouvelle zone balnéaire construite sur des marécages. Des barres d’hôtels et d’appartements de villégiature bordant 2 larges artères parallèles à la plage. «Pénurie de ciment» comment un pays peut-il être en pénurie de ciment ? Pas de quoi acheter les matières premières ? Boom immobilier ? Casablanca, Tanger, Marrakech, Berkane, Oujda, Ouarzazate, Saïdia,….Front de mer en pleine restructuration. Nouveau port en chantier. Nouveaux hôtels. Nouvel ensemble d’habitations. Nouvel ensemble de bureaux. Nouvelles autoroutes. Nouveaux ronds-points. Nouvelles maisons individuelles. Nouvelles villas de luxe. Nouvel aéroport. Nouveau désir.Nouveau confort. Le pays semble un véritable chantier. En être, faire partie du monde, se mouler dans l’uniformité des constructions qui se dessinent parfois si loin de ces lieux. Ne plus voir les images des richesses d’Occident, d’un certains Asie, du cinquième continent comme une vitrine inaccessible que déverse la télévision. Ne plus être devant une vitrine mais face au miroir de sa propre vie. En être, dedans, dans la boîte de pandore, dans le monde moderne, le monde « facile, libre et heureux ». Dans une certitude qui réduit les espaces, coince les méandres labyrinthiques des cités anciennes. Rangée, calée, normée l’enceinte ouverte et dressée. La nature parquée. L’horizon, une merveille rarement vue. L’ailleurs est là ! Ici ! Tout autour ! Des squelettes d’immeubles se dressent au milieu des moutons, sur les côtes, autour des baies. Des hôtels de luxe, des bureaux, des vitrines commerçantes, des logements modernes, le commerce du futile et de l’arbitraire centrant les préoccupations. Tout ne sera que commerce. La vie se fera sous le soleil et la chaleur d’été, sous les pluies d’hiver aussi. le lointain horizon qu’offre la mer à Tanger, au cap Malabata, à la terrasse des paresseux, au Cap Spartel. L’ancien habitat, un objet de tourisme où l’on croira trouver de l’authentique. De l’authentique piège à touristes. Pénurie de ciment. Le Maroc change comme bien d’autres ont changé et changeront.Cernée La ville s’agrandit, s’élève, s’enrichit, se «Rolex». Hôtels, immeubles, bureaux, confort moderne. Tout est conforme aux normes d’ailleurs. Bloquée. Des «châteaux» de poutres en béton, des bâtiments évidés, en devenir, sortent de terre dans des soutènements de ferraille et de pelleteuses. Des chandelles tiennent les planchers des plafonds. Le métal strie l’espace de lignes de couleur brute. Des rouges, des vertes, des bleues pour illuminer ces chandelles. Et puis quand le métal n’est plus, que le métal rouille, une invraisemblable cohorte de mâts de bois s’enchevêtre dans un treillis confus pour soutenir le dessus du dessous. Les façades sont comme un échiquier où manquent les pièces. Les chambres, les cuisines, les salons, les couloirs… Dans la suée, les corps dégoulinant d’odeurs du travail et de soleil offrent des mains, des bras, des muscles à l’élévation ambitieuse. L’ancienne… Emmurée dans la mondialisation.Tout est là Tout est posé, là; Les murs, les sols, les planchers, le toit,… et puis des portes qui ferment les espaces, des fenêtres qui s’ouvrent au dehors et des volets qui isolent la pièce, qui cachent du soleil et du regard. L’enceinte est dressée. L’enceinte est figée sur ceux du dedans. Tout est clos ou peut l’être. On ferme du dehors son espace, on se resserre sur soi limitant l’autre au cul, aux seins à la bite de celle ou celui qui crie le même amour, aux résultats de la génétique des mélanges et puis, pour faire bonne figure, on invite l’étranger à pénétrer le camp retranché. Cet étranger d’en face qu’on épie d’une oreille discrète et sentencieuse, du moindre bruit qu’il joue, qu’un œil avide scrute « malencontreusement » d’un apôtre absent du grand banquet, un glissement de jambe qui traîne à l’entrée d’une porte pas encore fermée, d’un ascenseur prêt à partir, d’un angle de couloir qui distribue les différentes places fortes de l’immeuble. Tout est fermé, barricadé, blindé contre l’intrus, le suspect, celui qui en veut aux biens, … bien ou mal acquis. L’étranger d’en face. L’étranger d’ailleurs qui porte, livre le ravitaillement, répare et ondule dans les dédales cachés des murs, des bas sols et faux plafonds. Ma pièce, mon espace, mon intime. Chacun ferme les portes sur l’autre, tout en cherchant à ouvrir les non siennes. Isolement voulu, isolement couru ! Mon cul ! Tout est individu, courant parmi la harde en feignant, prétextant vouloir la quitter, ne pas en être. Recherche d’indépendance, d’émancipation totale. Mon cul ! Loin de la harde point de salut ; la crainte du chasseur solitaire mêlé aux cochons, sous les habits gras et velus des bêtes. Un chasseur/cueilleur qui rôde, épie le groupe et qui ne ferait qu’une bouchée de ceux qui s’écarteraient de la communauté. La crainte maudite. Tous suspectent tout de tous, d’ une probable éventualité libidineuse.
J’ai mal entre deux dents. La carie rôde et creuse doucement, patiemment. L’émail attaqué, l’acide s’en prend à la racine, à la viande, aux légumes, aux autres, au moi, aux ans qui se décomposent, nouent. L’acide lèse à se tordre le fond d’estomac qui reste de mon palais.Tout s’emmêle Tout s’emmêle. Le passé avec le présent, le présent avec l’avenir,… l’avenir du passé. Des images brouillées. Que faire demain, ce que j’avais à faire demain, ce que je ne ferai pas aujourd’hui, ce que j’aurai dû faire, ce que je devrai faire, ne ferai pas. « Je suis désolé, madame, monsieur, je ne pourrai me rendre ce jour, demain à notre rendez-vous, finir ce que j’avais commencé, je dois interrompre brutalement … excusez-moi, mais les circonstances… » Demain, aujourd’hui, hier,… tout se mêle, s’entremêle, des images passées de celles… incertaines. Le silence règne dans la chambre. Une moto hurle et déchire l’odeur de bitume neuf qui joint deux quartiers. Nul bruit dans cette chambre. La vie est au dehors. Le corps est là, étendu, allongé sur le dos, figé dans l’espace feutré d’une pénombre recherchée, voulue, imposée. J’ai perdu une mère, un père, un frère ou une sœur, un jeune enfant, un amour, un corps aimé, chéri. J’ai perdu l’autre en moi. Tout est clos sur cette mort, sur ce mort. Dois-je appeler, dire que je ne pourrai me rendre à ce rendez-vous si important, capital, prévenir que je ne pourrai faire, réaliser ce qu’on attend de moi, ce pourquoi je m’étais engagé ? Refuser les appels.Quelques raies de lumière percent les jointures articulées des volets. Entre deux paupières mal fermées, le vide teinte un regard clos. Le noir a tout pris du blanc. La pièce est close.L’alcôve sombre dans un réseau d’une multitude d’autres ouvertes et blanches. Le téléphone vibre. Je suis sourd. Comme sur une île déserte.Ombre.Sous l’action du soleil, de la saison et de l’heure, des filets sombres dessinent le chemin entre les parois blanches et opaques qui s’opposent. La chaleur liquéfie. La lumière de plein jour creuse des passages frais. Des figures s’y engouffrent d’une antre à l’autre d’une action à l’autre. Des ombres dans l’ombre où se situe la vie des liens.D’une prière à l’autre Il est plus de 22h00 et ça crie, hurle et rit entre les fins espaces des blocs. Le son s’intensifie, s’éloigne, se feutre, marquant les déplacements de ce groupe d’enfants qui jouent dans les étroites ruelles de la casbah. Dans ce jeu de cubes blancs qui s’assemblent pour fermer une sorte de labyrinthe.
Ils parlent arabe avec ces mêmes voix d’enfants des autres langues.
Je suis leur parcours, envisage leurs déplacements, leurs stations, leurs circulations entre les blocs. Ils sont là, ici, s’écartent, reviennent puis s’en vont dans un ailleurs tout proche.
La fenêtre toujours ouverte de ce deuxième niveau camoufle le jour du soleil et de sa chaleur.
Là, il fait nuit. Punaisé sur l’huisserie un tissu jaune comme la lumière du luminaire qui éclaire le soir la rue ; le matin écrase les premiers renvois des rayons solaires de ce mur qui fait face à quelques mètres. 2 murs qui s’opposent pour créer un vaste vide à l’allure d’une gorge vertigineuse.
Sur un, l’un d’eux, la fenêtre.
Elle avale les bruits de la ruelle et de celles avoisinantes. Elle les gobe ces bruits, les gobe et les restitue dans la petite pièce, marquant ainsi la chronologie du temps qui passe, d’une prière à l’autre.